Développement de jeux indépendants : entrevue avec Warren Currel (Sherpa Games) – MIGS 2013

Warren Currel (Sherpa Games) - MIGS 2013

Sherpa games est une entreprise business to business (B2B) qui accompagne les développeurs lors de leurs démarches auprès des éditeurs de jeux vidéo. Warren Currel, fondateur de l’entreprise, était présent lors du MIGS 2013. Nous l’avons rencontré le lendemain de sa conférence afin d’avoir son opinion concernant la relation entre les développeurs indépendants et les éditeurs ainsi que sur la situation économique particulière de l’industrie, surtout en ce qui à trait au développement de jeux mobiles et sociaux.

Le défi de soutenir le fardeau financier de la période de développement d’un jeu

L’étude réalisée par la Game Connection et Sherpa Games, réalisée auprès de 130 éditeurs mondiaux différents, a offert plusieurs données intéressantes dont une qui nous a marqué particulièrement : 70% des éditeurs souhaitent que les risques financiers soient majoritairement pris par les développeurs, voulant ainsi limiter leurs investissements à l’étape de la conception des jeux.

Cette réalité démontre à quel point il est un défi de soutenir le fardeau financier de la période de développement d’un jeu. Selon Warren Currel, il est nécessaire d’être créatif en tant que développeur indépendant pour produire un jeu : emprunter de l’argent autour de soi, utiliser ses économies personnelles, déposer des demandes de subventions auprès du Fonds des médias du Canada ou d’autres associations gouvernementales, et s’associer ensuite à des éditeurs qui aideront à la production ainsi qu’à la mise en vente du jeu. Les barrières à l’entrée sont donc très présentes : le marché et la compétition sont rudes pour les nouveaux arrivés.

Beaucoup d’analystes soulignent également la précarité des emplois dans l’industrie du jeu vidéo. Celle-ci est passée, au cours des dernières années, à un modèle de gestion de ressources humaines où les équipes sont embauchées non plus à long terme mais par projets. Selon Warren Currell, l’industrie s’est rapprochée du même modèle que celui des films, et il n’y a pas d’autres alternatives car il s’agit d’un modèle qui a fait ses preuves. Il admet cependant que la situation est difficile pour les développeurs dans une situation qui assure, selon lui, la viabilité financière des entreprises.

Le défi du modèle économique et de l’importance de la communication

Certaines entreprises indépendantes semblent vouloir rivaliser avec la production de jeux AAA dans leurs modèles de gestion. Mais Il est très difficile de savoir combien de développeurs indépendants font réellement des profits. Warren Currel nous a confié avoir travaillé avec Zack Gage, le développeur de SpellTower. Il s’agit de l’exemple type du développeur indépendant ayant réussi à faire des bénéfices et financer ses autres projets. Mais ces exemples de réussite restent exceptionnels, c’est d’ailleurs ce qui a marqué de nombreuses critiques du documentaire Indie Game : the movie. L’univers du jeu indépendant est riche, cependant peu d’entre eux atteignent le panthéon de la renommée.

Warren Currel croit au développement du Free to Play. 25 % des éditeurs interrogés lors de l’étude ont mentionné préféré ce modèle. À la vue de la popularité de jeux tels que Candy Crush grâce à la satisfaction instantanée que procure ce type de jeu, les développeurs ont su mêler monétisation et plaisir de jouer, sans perdre l’une ou l’autre de ces deux caractéristiques qui permettent d’assurer le viabilité d’un jeu sur le plan économique. Comme au casino, les joueurs deviennent compulsifs et c’est ce qui démarque (malheureusement diront certains) certains jeux mobiles ou sociaux les plus populaires aujourd’hui.

Enfin, nous avons interrogé Warren Currel sur la vente de jeux sur les marchés digitaux. Beaucoup présentent ces marchés comme l’eldorado virtuel. Cependant, lorsque l’on navigue sur le PlayStore ou l’App Store, il est clair que certaines entreprises dominent les premières pages – ou les 30 et 50 meilleures ventes de jeux. Est-il réellement juste de dire qu’il est plus facile de vendre des jeux grâce à l’avènement des marchés digitaux ?

Selon le conférencier, l’opportunité de distribution est là mais il est vrai qu’il est difficile de se démarquer sur ces marchés. Nous l’avons interrogé sur la place des relations de presse face au placement publicitaire Web, qui semble être devenu l’outil marketing numéro 1. Warren Currel a affirmé que les RP sont devenues essentielles, bien plus que la publicité, pour faire connaître les jeux auprès de la presse spécialisée et donc des joueurs, toujours dans l’idée de créer un effet boule de neige où les consommateurs entendent parler du produit, lisent des critiques et enfin achètent le produit. Selon lui, les RP seraient plus efficaces que le marketing publicitaire.

Quel intérêt pour un développeur de faire appel aux services d’une entreprise comme Sherpa Games  ?

Certains développeurs de l’industrie affirment qu’avec l’avènement du digital, les développeurs n’ont plus besoin des éditeurs. Nous avons interrogé Warren Currel sur le sujet. Selon lui, tout dépend de la situation du développeur. Un éditeur aide un développeur de 4 façons : il peut contribuer au financement d’un jeu (de façon plus rare et minime selon les résultats du sondage présentés par son entreprise), développer une stratégie de marketing ou d’acquisition de joueurs et offrir les outils nécessaires à la monétisation du jeu. Si un développeur a déjà acquis certains de ces éléments clés, il sera possible pour lui de publier un jeu sans l’aide d’un éditeur. Le développeur devra faire des compromis si l’aide d’un éditeur est essentielle à la réalisation de son projet. Celui-ci pourrait perdre, par exemple, ses droits de propriété intellectuel. Le développeur devra se préparer à devoir lâcher prise en retour de l’implication d’un éditeur. Il est important de bien connaître sa situation pour prendre des décisions éclairées.

Le conférencier nous a expliqué avoir l’opportunité de travailler avec des développeurs extrêmement créatifs. Ces derniers s’adressent à lui car ils n’ont pas le réseau de contacts, n’ont pas validé leurs idées et ont besoin d’un retour transparent sur les jeux qu’ils développent. Les éditeurs négocient plusieurs contrats par semaine.. Les développeurs indépendants, eux, ne négocient parfois qu’une fois par an et pour certains, il s’agit du jeu de toute une vie.

Son emploi de représentant offre aux développeurs l’opportunité d’être accompagnés afin de naviguer dans ces eaux souvent troubles pour un nouvel arrivé. Warren Currel conseille aux développeurs de montrer les premiers résultats du développement assez tôt, autant auprès de leurs proches que sur YouTube par exemple. Recevoir un retour rapide leur permet alors de s’ajuster. Il mentionne les sites Web tels qu’Indiegogo qui permettent de valider les idées auprès d’un plus grand public, tout en recueillant du financement. Mais encore là, il est important de noter qu’une campagne de RP solide permet au projet de se faire connaître à un plus grand nombre de personnes et de gagner en notoriété sur les sites de financement.

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Myriam Balian

Élevée à la culture du Web, je suis gameuse IRL, un peu nerd, pas trop troll (#6seasonsandamovie), passionnée de géopolitique et de mouvements culturels et sociaux.