Je devais être au primaire la première fois que j’ai joué à TRON chez un ami. Le concept de petites motos lumineuses laissant derrière elles des murs de la même couleur, que l’on devait éviter sous peine d’explosion, était aussi simple qu’intense et terriblement amusant. À l’époque, je ne connaissais pas encore le film de 1982, et lorsque TRON: Legacy fut annoncé en 2010, je me suis demandé comment cette idée de jouabilité allait se transposer au grand écran. J’avoue l’avoir un peu regardé de haut, préférant aller voir le troisième film de Narnia cet hiver-là. Quinze ans plus tard, je me rattrape enfin avec TRON: Ares et voici mes impressions.
Fiche Technique de TRON: Ares
- Date de sortie : 10 octobre 2025
- Réalisateur : Joachim Rønning
- Scénario : Jesse Wigutow et Jack Thorne
- Producteurs : Sean Bailey, Justin Springer, Jeffrey Silver, Emma Ludbrook, Jared Leto
- Acteurs principaux : Jared Leto, Greta Lee, Evan Peters, Cameron Monaghan, Gillian Anderson, Jodie Turner-Smith, Arturo Castro
- Distribution : Walt Disney Studios Motion Pictures
- Production : Walt Disney Pictures
- Genre : Science-fiction / Action
- Durée : 1 h 59 min
Un scénario un peu cliché
Dans TRON: Ares, l’univers numérique et le monde réel entrent de nouveau en collision. Un programme avancé expert du combat nommé Ares est envoyé depuis la Grille vers notre réalité afin de tester la coexistence entre humains et entités artificielles conscientes. Sa mission, à la fois scientifique et existentielle, remet en question la frontière entre la vie créée et la vie née.
Pendant ce temps, deux géants technologiques s’affrontent pour le contrôle de cette percée : ENCOM, héritière de la vision de Kevin Flynn, et Dillinger Systems, dirigée par le descendant de l’ancien rival d’ENCOM. Leur lutte pour s’approprier un code capable de stabiliser les programmes dans le monde réel transforme l’expérience d’Ares en champ de bataille idéologique, où progrès et pouvoir s’entrechoquent.
Le scénario reste très cliché et reprend des thèmes déjà vus à maintes reprises. Une intelligence artificielle, contrôlée par une méga-corporation aux intentions douteuses, commence graduellement à développer une conscience propre. Peu à peu, elle se libère de l’emprise de son dirigeant tyrannique et se rapproche des idéaux plus humains portés par l’entreprise rivale. Le dénouement, sans grande surprise, suit une trajectoire prévisible et manque de véritables revirements capables de surprendre le spectateur. Cela rend les deux heures du film un peu longues, avec parfois l’impression que certaines scènes étirent la sauce artificiellement.

Un trio solide mais inégal
Le trio d’acteurs principaux livre une performance honnête, malgré un matériel scénaristique parfois limité. Jared Leto s’en sort assez bien dans la peau d’Ares, incarnant un programme tiraillé entre logique et émotion. Son jeu volontairement neutre correspond à la nature synthétique de son personnage, mais il parvient tout de même à laisser transparaître quelques étincelles d’espoir et d’humanité. Ce contraste subtil rend Ares plus attachant qu’on pourrait le croire au premier abord, même si certaines scènes peinent à lui donner toute la profondeur que le rôle mérite.
De son côté, Greta Lee est sans conteste la plus convaincante du trio. Interprétant Eve Kim, la nouvelle dirigeante d’ENCOM, elle apporte une humanité rare à un univers souvent froid et technologique. Son personnage incarne une vision plus éthique du progrès, et l’actrice réussit à lui donner une présence apaisante et déterminée à la fois. Le fait qu’une PDG de méga-corporation soit ici dépeinte sous un jour positif change agréablement des archétypes habituels. Son jeu tout en retenue et en conviction fait d’elle le cœur émotionnel du film, une figure d’équilibre face aux ambitions démesurées qui l’entourent.
En revanche, Evan Peters déçoit quelque peu dans le rôle de Julian Dillinger, l’antagoniste principal. Héritier cynique et calculateur de la dynastie Dillinger, il incarne à merveille l’avidité du pouvoir, mais sans jamais réellement surprendre. Son interprétation reste efficace, mais manque de nuances et de folie, deux qualités qu’il a pourtant démontrées dans d’autres productions. Autour d’eux, plusieurs personnages secondaires apparaissent à peine à l’écran, comme si une partie de leurs intrigues avait été écartée au montage. On ne voit d’ailleurs l’excellent Cameron Monaghan qu’une fraction de seconde, laissant croire que des scènes importantes ont été coupées ou réécrites. Cette impression de film amputé prive certains arcs narratifs de leur poids émotionnel et donne au récit une structure parfois incomplète.

Une direction artistique éclatante mais un manque d’audace visuelle
S’il y a un aspect où TRON: Ares impressionne, c’est bien dans sa direction artistique. Le réalisateur Joachim Rønning réussit à préserver l’identité visuelle si distinctive de la franchise tout en modernisant son esthétique. Les environnements numériques sont superbement conçus, avec une architecture imposante, des reflets métalliques presque liquides et un travail de lumière qui évoque un mélange entre science-fiction futuriste et art néon rétro. Le rendu des costumes, plus sobres mais toujours reconnaissables, témoigne d’une volonté de raffinement plutôt que de surenchère.
Les effets visuels atteignent un niveau remarquable, particulièrement dans les séquences se déroulant dans la Grille. Chaque mouvement de caméra est calculé, chaque faisceau lumineux semble chorégraphié, et l’immersion est totale sur grand écran. On sent la maîtrise technique derrière chaque plan, surtout lors des affrontements et des transitions entre les mondes. Le film parvient aussi à glisser plusieurs clins d’œil savoureux à la saga, que les fans de longue date reconnaîtront instantanément : des motifs visuels rappelant l’ère Flynn, quelques symboles cachés dans les circuits de la Grille et même des répliques subtilement reprises des précédents volets. Ces petites attentions apportent une touche de nostalgie bien dosée sans jamais détourner l’attention de la nouvelle histoire.
La photographie, signée Claudio Miranda, retrouve la palette bleu-cyan emblématique tout en y ajoutant des teintes plus organiques. Le contraste entre le monde réel et la Grille fonctionne bien, et certaines compositions frôlent la perfection visuelle. On ressort du film en ayant pleinement apprécié le spectacle, porté par un sens du détail impressionnant, mais aussi avec le sentiment que TRON: Ares aurait pu pousser encore plus loin son audace artistique. L’enrobage est somptueux, la technique irréprochable, et les fans de l’univers y trouveront assurément leur compte.



Une trame sonore efficace et soignée
La musique de TRON: Ares soutient bien l’univers du film sans jamais le dominer. Le duo Trent Reznor et Atticus Ross livre une composition cohérente, à la fois électronique et atmosphérique, qui s’intègre naturellement à l’esthétique visuelle. Les sonorités sombres et métalliques apportent une tension constante, tandis que les passages plus calmes créent une ambiance réfléchie qui colle bien à la quête intérieure du protagoniste. Ce n’est pas une bande originale qui cherche à voler la vedette, mais elle accompagne avec justesse le récit et renforce son ton contemplatif.
Le design sonore se montre tout aussi solide. Chaque effet, qu’il s’agisse des véhicules, des combats ou de la Grille elle-même, est travaillé avec soin pour accentuer la dimension technologique du monde. Le mixage est précis, donnant de la clarté aux dialogues tout en conservant la puissance des séquences d’action. Dans l’ensemble, la portion sonore de TRON: Ares remplit pleinement son rôle : elle immerge le spectateur sans en faire trop, et contribue à maintenir l’équilibre entre spectacle et atmosphère.

Verdict sur TRON: Ares
TRON: Ares propose un retour visuellement impressionnant dans l’univers numérique de la franchise, soutenu par une direction artistique soignée, des effets visuels spectaculaires et une trame sonore bien calibrée. Malgré un scénario prévisible et des personnages secondaires sous-exploités, le film maintient un certain équilibre entre spectacle et réflexion, sans jamais totalement se démarquer. Techniquement maîtrisé mais narrativement prudent, il offre un divertissement solide et cohérent, qui séduira surtout les amateurs de science-fiction et les fans de longue date, sans pour autant laisser une empreinte durable.

