Photo de nuit : les éléments à connaître avant de vous lancer

Photographie de nuit - LondresLa photographie est un domaine assez large, composé de pratiques différentes avec chacune ses techniques propres. Si l’œil du photographe se travaille au jour le jour, les bases techniques sont importantes à assimiler avant de se lancer pleinement. Vous apprenez sur le terrain, mais uniquement si vous partez correctement armé. Ce tutoriel a pour but d’aborder les grands principes de la photo de nuit et de vous accompagner au mieux, sans forcer sur la technique, dans cette pratique particulière qui peut s’avérer magique.

Pourquoi la photo de nuit ?

Avec un peu de talent, de pratique et de technique, n’importe quel domaine de la photographie contient son lot de productions poétiques et inspirantes. La photographie de nuit est l’une de celles qui me touchent le plus. La photo, c’est capturer l’instant possiblement à jamais, mais la photo de nuit révèle encore plus cette maîtrise du temps que le photographe peut avoir. Les lumières qui se diffusent une fois le soleil couché transforment les paysages à l’œil nu, mais c’est uniquement avec un peu de manipulation que ces derniers dévoilent réellement leur nature magique. S’amuser avec la photographie nocturne, c’est s’amuser avec le temps, le visualiser en manipulant la lumière et les mouvements. On retrouve cette manipulation dans d’autres pratiques photographiques, mais c’est d’autant plus vrai et féerique lorsque vous transformez une rue, des lampadaires ou des bâtiments sur lesquels vous n’avez normalement pas la main.

Québec Plaines Abraham Photo Nuit - Luc Dobigeon

Le matériel nécessaire

Être débutant dans n’importe quel domaine provoque bon nombre de questions. L’une des premières tourne souvent autour du matériel. Effectivement, on vous dira que c’est avant tout votre pratique et votre talent qui feront effet, mais bien s’équiper reste nécessaire. C’est d’autant plus vrai lors de la pratique de photo de nuit qui demande une certaine justesse technique. Ne prévoyez pas encore le café pour tenir toute la nuit, je vous invite d’abord à bien lire cette partie !

Le reflex obligatoire ?

Il existe aujourd’hui un tas de possibilités pour pratiquer la photo, que ce soit sur l’instant avec des smartphones toujours plus performants ou lors de longues sessions professionnelles avec un reflex. Le marché hybride s’est aussi très bien développé ces dernières années et de très bons produits sont disponibles. Mais alors, pour la photo de nuit, je prends quoi ? La question est simple, la réponse un peu moins.

S’il est certain que vous pouvez garder votre téléphone dans la poche, il y a aujourd’hui beaucoup d’appareils hybrides avec objectifs interchangeables qui possèdent des modes manuels très complets. Je ne rentrerai pas dans les détails des modèles ici, car ce n’est pas ce qui nous intéresse.

Personnellement je suis très subjectif sur le sujet et je conseille fortement l’utilisation d’un reflex. Par habitude, certes, mais aussi, car il y a certains éléments techniques que les plus petits appareils ne possèdent pas. De la taille du capteur aux possibilités offertes par le miroir en passant par le traitement de l’image, le reflex garde ma préférence à ce jour. Sachez donc que ce n’est pas obligatoire, ce qui l’est c’est de vous trouver un appareil avec un mode manuel complet pour pouvoir vraiment jouer avec les réglages le moment venu.

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Le choix de l’objectif

Que vous décidiez de partir sur un reflex ou un hybride, le choix de l’objectif n’en est pas moins déterminant ! Deux critères importants : le choix du type d’objectif et sa qualité de construction. En effet, votre objectif est composé d’éléments techniques à prendre en compte, d’autant plus qu’il ne vous servira pas qu’à photographier de nuit donc l’investissement doit valoir le coup.

La première chose que je peux conseiller, c’est de se diriger vers un objectif dédié au paysage. En effet, optez pour de grandes focales qui démarrent à 17 mm par exemple. Si vous avez les moyens financiers d’investir dans plusieurs objectifs, je vous conseille d’investir dans des focales fixes du type 50 mm. Même si cela est de moins en moins vrai, la qualité de construction est souvent meilleure dans cette configuration. Sinon, optez pour un zoom du type 17-55mm qui vous permettra d’économiser un peu d’argent et surtout d’être flexible sans changer d’objectif.

Second point à prendre en compte, l’ouverture ! Quand vous regardez tous ces objectifs qui existent, faites attention au petit chiffre précédé d’un « f ». Plus ce chiffre est petit, plus votre objectif peut absorber de lumière, ce qui réduira le temps de pose de chaque photo et donc vous permettra plus de souplesse, même à main levée. Certains objectifs ont une ouverture fixe (f/4 par exemple) tandis d’autres présentent une ouverture variable selon le niveau de zoom (f/3.5-5.6).

Dernier point, retenez bien que rien ne vous oblige à acheter les objectifs des constructeurs d’appareils ! Des marques comme Tamron ou Sigma produisent de très belles pièces compatibles avec votre boîtier et souvent avec des tarifs moins élevés. Ne vous attardez donc pas sur la marque, mais prenez le temps de lire des tests et des avis d’utilisateurs qui en font le même usage que vous. Par ailleurs, renseignez-vous bien sur les objectifs stabilisés ! Si cela peut s’avérer utile dans certaines situations, ce ne sera pas le cas en photo de nuit avec trépied et la version non stabilisée de l’objectif vaut toujours moins cher.

Le trépied !

Voici l’élément indispensable pour toute pratique de la photographie de nuit. Sans trépied, vous ne pourrez pas effectuer de poses longues et cela aura des répercussions sur d’autres paramètres lors de la prise de vue. Là encore, plusieurs types de trépieds existent. Si l’encombrement et le poids ne sont pas un problème pour vous, je vous conseille d’investir dans un trépied assez robuste et grand qui vous permettra d’être moins dérangé par le vent. Vous pouvez aussi opter pour un petit trépied de voyage qui pourra vous dépanner dans certaines conditions.

Télécommande — Appli — Retardateur

Pour pouvoir déclencher la prise de vue sans apporter aucune vibration à l’appareil et donc éviter le flou, vous devrez ruser un peu. Il existe trois moyens principaux pour pouvoir prendre une photo sans être sur le bouton au moment du déclenchement :

  • La télécommande, filaire ou non, est l’outil le plus simple à utiliser et généralement cela ne vaut pas très cher. D’autant plus que vous pourrez bloquer le bouton de prise de vue pour des poses extrêmement longues ;
  • Certains constructeurs proposent une application pour smartphone qui fonctionne en WiFi avec votre appareil photo. C’est assez pratique si vous n’avez pas de télécommande, mais assez limité dans la pratique surtout que le téléphone risque de vous éblouir ou d’apporter de la lumière sur le paysage capturé ;
  • Dernière option de secours, le retardateur. Plutôt pratique dans le cas où votre appareil propose l’option 2 secondes, cela devient embêtant s’il ne propose que 10 voire 30 secondes. Notez d’ailleurs que vous devrez quand même appuyer sur le déclencheur et donc prendre le risque de faire légèrement dévier l’appareil de sa position initiale.

Les accessoires bonus

Si je déconseille de laisser un filtre UV ou polarisant lors de vos prises de vue nocturnes, je vous invite à vous amuser avec les filtres gris. Utilisables aussi de jour, ils permettent de filtrer plus de lumière entrante et donc d’augmenter le temps de pose dans des conditions un peu trop lumineuses. Imaginez par exemple une rue de nuit bien éclairée où vous souhaitez exposer assez longtemps pour avoir un effet de filé sur les feux des voitures…

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Composez, encore et toujours

Avant de rentrer précisément dans la technique de la prise de vue, je tiens à aborder un sujet encore plus important. Beaucoup de photographes, moi y compris, font l’erreur de débuter en se concentrant trop sur les règles et la technique avant même de s’ouvrir l’esprit pour faire travailler leur œil. C’est quelque chose que je regrette et c’est pourquoi je vous invite à raisonner dans le sens inverse si vous êtes encore débutant. Si vous assimilez les bases techniques que j’évoquerai plus loin, cela suffira. Il faut absolument éloigner la peur de se rater techniquement et juste vouloir se faire plaisir.

Oui, pensez à la composition en premier lieu ! Vous avez l’œil, de l’imagination à revendre ? Alors, essayez de capturer ce que vous voyez dans votre esprit. Et si le résultat n’est pas satisfaisant, recommencez, toujours.

Je ne vous ferai pas la leçon des tiers pour vos photos de paysage, vous le lirez partout ailleurs et c’est l’exemple parfait du formatage qu’on impose aux débutants. Sortez du cadre, mettez le ciel en avant si c’est qui vous chante, vous devez vous amuser ! Pensez juste à bien mettre le sujet principal de votre photo en avant ou encore à jouer sur les perspectives. Vous devez faire comprendre aux gens ce que vous avez voulu faire ressentir avec votre photo et l’œil doit être automatiquement attiré vers ce qui marque le plus.

Aussi, pensez lors de votre prise de vue qu’il y aura des ajustements voir même des possibilités lorsque vous serez sur votre logiciel de traitement (Lightroom par exemple). Si vous avez compris tout ça, vous pouvez être confiants et passer à la technique avant de vous lancer !

Maîtrise technique obligatoire

Le format RAW et la balance des blancs

La première chose que je vous conseille, c’est d’aller paramétrer le format d’enregistrement de vos photos, si votre appareil vous le permet. Généralement, les formats proposés sont le JPEG, le RAW et le JPEG+RAW. La meilleure chose à faire est de sélectionner le JPEG+RAW, le JPEG vous permettra de sortir une version directement visible et « exploitable » de votre photo si vous en avez besoin, mais le RAW est indispensable. Ce format vous permettra d’éditer votre prise de vue sur un logiciel comme Lightroom avec beaucoup moins de dégâts et d’une façon beaucoup plus large.

C’est aussi ce format qui va vous offrir une plus grande souplesse dans la balance des blancs. Quand on parle de ce paramètre, on évoque aussi la température de l’image, ce qui va la rendre plus « orange » ou plus « bleu ». Au risque de faire criser les puristes, cela fait quelque temps que je reste en mode automatique pour ce réglage et je vous conseille de faire pareil. Pourquoi ? Car cela me fait gagner un peu de temps lors des prises de vues puisque mon appareil me sort la bonne température 90 % du temps. Bien entendu, il m’arrive de sélectionner la température que je souhaite quand il le faut afin d’avoir un aperçu plus précis du rendu de ma photo. Mais c’est aussi là qu’intervient le format RAW. Les préconfigurations de température tombent rarement là où je souhaite et je préfère m’amuser avec la réglette sur Lightroom.

Mise au point manuelle

Dans la continuité du « débridage » de votre appareil, la prochaine étape est de complètement désactiver la mise au point automatique. Positionnez la réglette de votre objectif sur « M » et préparez-vous à jouer avec la bague de mise au point. Pourquoi est-ce important ?

Pour faire simple, la photo de nuit implique de se positionner face à plusieurs sources de lumière, parfois lointaines ou très faibles. La mise au point automatique risque de souvent se positionner sur l’élément le plus facilement atteignable dans l’obscurité, ce qui n’est pas forcément ce que vous voulez. La netteté étant encore plus importante sur ce type de photos, la mise au point manuelle vous permet d’avoir la maîtrise totale de votre composition. Grâce à l’écran de votre appareil (selon les modèles), vous pourrez même zoomer sur certaines zones de la scène pour être certains que ce bout de bâtiment au loin est bien net.

Les ISO

ISO 200, 400, 1 600, vous n’y comprenez rien ? Sachez juste que pour la photo de nuit sur trépied, vous devez positionner ce réglage sur la valeur la plus basse que propose votre appareil (généralement 100 ou 200 ISO). Comme cela vous éviterez le « bruit », cet effet granuleux et/ou coloré qui vient gâcher les photos prises dans un environnement sombre.

L’ouverture du diaphragme

Vous vous souvenez de la lettre « f » dont je vous parlais lors du choix de l’objectif ? Et bien on y revient ! Notez bien que la modification de ce réglage se répercute sur celui que nous verrons après et inversement. Selon les capacités de votre objectif, vous pourrez ouvrir ou fermer le diaphragme à votre guise. Les répercussions sont à la fois techniques et artistiques.

Une grande ouverture avec un chiffre faible (f/1.8) vous permettra de faire rentrer beaucoup de lumière, mais c’est une ouverture plutôt déconseillée pour le paysage, car la profondeur de champ est considérée comme faible. Privilégiez ce type d’ouverture pour les sujets proches nécessitant un beau flou d’arrière-plan.

Une ouverture plus faible avec un chiffre fort (f/8) vous permet de gagner en netteté sur la distance et, selon les objectifs, en rendu général sur la photo (ce qu’on appelle le piqué). Mais deux choses sont à savoir sur les ouvertures faibles : plus vous fermez votre diaphragme plus vous avez de chances de produire certains artefacts comme les lumières qui rayonnent à la façon d’une étoile ; cela peut aussi engendrer des dégradations comme du vignettage (coins de la photo sombres).

Le temps de pose

Voici un autre élément tout aussi technique qu’artistique. Vous tournez la roulette et vous ne savez pas où vous arrêter entre 1/3 et 1/240 ? Alors il faut savoir que plus le 1/XXX est faible, plus vous allez exposez longtemps et donc absorber de la lumière. Vous pouvez même aller jusqu’à plusieurs secondes de temps de pose. Vous l’avez compris, plus vous exposerez longtemps, plus votre photo sera lumineuse. Je vous conseille de toujours surexposer un peu votre photo, car il sera plus simple de corriger vers le bas que vers le haut sans dégradation lorsque vous serez sur votre logiciel de traitement.

Mais le temps de pose ne sert pas qu’à faire rentrer de la lumière. Tout objet en mouvement sera aussi impacté par ce réglage. Si des gens sont amenés à passer dans le décor, le mieux est d’opter pour une prise de vue assez longue. Au mieux ces personnes ne seront même pas visibles sur la photo finale, au pire il s’agira de « fantômes » à peine dérangeants. Vous pouvez aussi choisir de poser longuement pour faire un filé de feux de voitures ou voir la traînée d’un bateau dans une baie. Soyez créatifs !

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Vérification minutieuse de la photo

Dernier élément, mais non des moindres : inspectez minutieusement votre photo ! En effet, sur les petits écrans de nos appareils, on a toujours l’impression que c’est net et bien exposé. Mais prenez le temps de bien observer la photo et surtout zoomez sur les endroits importants ! Il n’y a que comme ça que vous vous rendrez compte si la photo est ensuite exploitable. Il vous faudra peut-être quelques instants pour que vos yeux s’habituent à nouveau à l’obscurité, mais cela en vaut la peine. Il n’y a rien de pire que de rentrer tout euphorique d’une session pour découvrir sur grand écran que la prise de vue est loin d’être techniquement correcte.

Le traitement de vos photos

Votre carte mémoire est pleine à ras bord de fichiers RAW, vous avez hâte de visualiser votre travail, mais il reste une étape ! Imaginez que vos fichiers RAW sont comme des négatifs au temps de la photo argentique, vous devez les développer. Il existe plusieurs logiciels pour cela, personnellement j’utilise Lightroom d’Adobe et j’en suis pleinement satisfait.

Je ne serais pas assez objectif sur d’autres logiciels pour vous les conseiller donc je vais éviter, mais, sachez qu’encore une fois c’est votre œil qui compte et non l’outil. Une fois vos photos importées dans votre logiciel favori, les possibilités deviennent immenses : recadrage, correction de l’exposition et de la balance des blancs, modification de la saturation et correction du bruit…

Ici, seule votre volonté artistique est à l’œuvre et je ne peux que vous conseiller de faire des essais, encore et encore. La seule chose à vraiment éviter est la dégradation de la photo donc ne poussez pas trop les réglages à leur maximum. Si vous souhaitez un rendu spécifique, n’hésitez pas à écumer YouTube pour trouver des tutoriels Lightroom (ou autre) spécifiques à vos envies. Et pour aller plus loin dans la retouche et surtout la composition d’image, ruez-vous sur Photoshop !

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Voilà, vous êtes parés. Vérifiez votre équipement, passez en revue vos bases techniques et surtout ouvrez-vous l’esprit à toutes les possibilités. La technicité ne doit jamais vous rebuter, car elle vient avec la pratique et j’espère avoir réussi à vous le faire comprendre en évitant de vous noyer d’informations.

N’oubliez pas, la photo c’est avant tout votre maîtrise sur le temps, mais c’est aussi votre pire ennemi. Vous devrez prendre le temps de pratiquer et c’est le plus difficile, par la suite apprenez à être patients et à travailler avec les heures de la journée… ou de la nuit !

N’hésitez pas à poser vos questions dans les commentaires ou à partager vos galeries photos !

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