Test de Homefront : The Revolution sur Playstation 4 — un mouvement tué dans l’œuf

Philadelphie, 2029 : APEX, le fabricant coréen s’est largement imposé sur le marché de l’armement après avoir séduit le monde avec ses bijoux domestiques, tablettes, smartphones… Les États-Unis se sont équipés de ces armes dernier cri, jusqu’à cumuler une importante dette avec la Corée du Nord, berceau d’APEX. C’est d’abord le peuple qui paye le prix de cette dette : chômage, chute de l’économie et tout ce qui en découle. Incapables de régler, les États-Unis se voient dépossédés de leur précieux arsenal, d’un simple clic opéré de l’autre bout du monde.

L’étape suivante fut simple, la Corée du Nord a envahi le pays, supprimé toutes les libertés et opprime le peuple depuis maintenant quatre ans. Résistant en devenir, vous prenez les armes pour lutter contre l’envahisseur et défendre la démocratie.

Fiche technique de Homefront : The Revolution

  • Date de sortie : 20 mai 2016
  • Style : FPS/Action/aventure
  • Classement ESRB/PEGI : M/18  
  • Développeur : Dambuster Studios
  • Éditeur : Deep Silver
  • Langue d’exploitation : français/anglais
  • Disponible sur : PlayStation 4/XBox One/PC
  • Évalué sur PlayStation 4
  • Prix lors du test : 79,99 $ CA/69,99 € sur le PlayStation Store
  • Site officiel
  • Version envoyée par l’éditeur

Après de nombreux déboires financiers, des changements d’équipes et d’enseigne, Homefront : The Revolution n’a finalement vu le jour que le 20 mai dernier. Pas vraiment attendu par les joueurs étant donné le fiasco de son prédécesseur, le jeu avait ici une réelle opportunité de se faire une place dans le genre. Pressenti comme un Far Cry urbain, cet opus aurait pu se positionner en concurrent direct de The Division des studios Ubisoft.

Mais de tout cela, il n’est rien. Homefront : The Revolution est un échec retentissant, une extrême déception pour ceux qui comme moi, avaient prévu de passer de longues heures à explorer Philadelphie et rétablir le bien dans ses rues occupées.

Un concept pourtant prometteur

Sur le papier, et par papier j’entends le site web du jeu et les documents presse que nous avons reçus, Homefront : The Revolution s’annonce comme… et bien une petite révolution : FPS en monde ouvert évolutif nous dit-on, des graphismes basés sur le moteur Cry Engine 4, un mode solo épique et original et un mode coopération passionnant et compétitif.

Pourtant, à chaque heure de jeu qui passe, la désillusion s’installe inexorablement, on a envie d’avoir envie. Mais à chaque tournant, quelque chose vient gâcher l’expérience de jeu. Procédons donc de façon quelque peu binaire, voyons ce qui est réussi dans ce titre avant de nous pencher sur les multiples facettes qui desservent cet épisode d’Homefront.

Les studios Deep Silver ont mis les petits plats dans les grands en ce qui concerne la conception de l’univers d’Homefront : The Revolution, la direction artistique est ultra futuriste, dans un style graphique très austère et fonctionnel, totalement en adéquation avec cette idée de dictature technologique. Les quatre véhicules ennemis représentés, le drone traqueur, le Goliath, le Wolverine et le menaçant dirigeable, ont été conçus avec soin pour refléter le talent et le génie de la marque APEX. Les soldats de l’APC portent eux aussi des uniformes très stylisés et des armes à l’air aussi froides qu’efficaces.

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Ce design militaire épuré chez l’ennemi n’a d’égal que son contraire dans l’aspect DIY (Do It Yourself, fait à la main) de tout ce qui concerne la résistance. Du côté des rebelles, les éléments sont relativement crédibles, faits de bric et de broc, armes rapiécées, habits sales et élimés, repaires de fortune et ambiance guérilla.

Maîtriser le terrain

Philadelphie se présente comme le théâtre de cette révolution, une ville en ruines, des quartiers rasés à perte de vue. Les parties de la ville toujours habitables sont sous la présence constante de l’APC. Tout est cordonné, surveillé, filmé, contrôlé. Pour échapper à la vigilance des envahisseurs, il faut suivre les repères laissés un peu partout par les résistants, des accès souterrains, des entrées secrètes d’immeubles, des portes dissimulées…

Globalement la carte est plutôt grande et on enchaîne les kilomètres assez vite en allant d’une mission à une autre, sans compter les quêtes secondaires qui peuvent être activées à proximité de zones d’intérêts. Dans les planques de la résistance, il est également possible d’accepter des contrats pour récupérer de quoi se payer des améliorations diverses. Ce qui est appréciable lors de l’exploration c’est le fait que la quasi-totalité des éléments de décors est accessible, on peut entrer dans la plupart des bâtiments, passer à un autre sans passer par la rue. Il est aisé de se poster quelque part pour repérer et observer les environs.

L’autre bon point de cette carte est qu’il existe un bon nombre de planques où sauvegarder et se réapprovisionner, de points de contrôle où réapparaître après un échec, et d’armureries où acheter de nouvelles armes et modules d’armes ainsi que de l’équipement.

Révolution à la carte

Ce qui apporte à Homefront : The Revolution un souffle d’air frais c’est le crafting (Création d’objets à partir de composants élémentaires). En effet le jeu vous propose de démanteler vos armes jusqu’à leur plus simple appareil pour recomposer des armes assez incroyables. Ainsi vous pouvez garder la crosse et la gâchette d’un 9 mm pour y mettre un canon long, surmonter le tout d’une lunette de visée et pourquoi ne pas ajouter un silencieux pour faire bonne mesure. De l’arme de poing à l’arme lourde en passant, par l’automatique, le semi, l’arbalète même, c’est un large éventail de possibilités qui s’offre à vous en matière de défense.

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Mais ça ne s’arrête pas là, engins explosifs et piratage sont évidemment de la partie. Que serait une révolution sans un cocktail Molotov ou une bombe incendiaire ? Le jeu vous permet donc de fabriquer, à condition d’avoir les éléments indispensables, divers outils pour mener à bien vos offensives. On trouve de tout un peu partout dans les ruines de Philadelphie, des composants électroniques dans de vieux PC, du propergol dans des frigos, etc.

Le piratage n’est pas accessible dès le début, mais devient indispensable pour venir à bout de forces importantes. Il permet de passer inaperçu en désactivant les caméras de surveillance, faire diversion, mais surtout de prendre le contrôle des drones et tourelles de l’APC pour qu’ils se retournent contre leurs propriétaires.

Les méthodes varient les plaisirs : on peut lancer des engins explosifs, activer des bombes à distance ou encore poser des pièges pour surprendre l’ennemi. Alliées au système de marquage des ennemis via l’appareil photo, ces méthodes permettent de tendre des embuscades redoutables.

Le gadget ultime c’est la voiture téléguidée. Elle vous permet d’aller espionner tranquillement derrière les lignes ennemies pour préparer votre attaque. Mieux encore, chargez-là d’explosifs pour aller faire sauter un véhicule ou une position des Norkos (c’est ainsi que les résistants nomment les Nord-Coréens) tout en restant à l’abri.

Avec la quantité de quêtes principales et secondaires proposées, vous voici avec quelques heures d’occupation devant vous, à moins que…

Et là c’est le drame

À moins que malgré tous ces éléments positifs, le jeu ne croule sous les défauts. Et c’est hélas bien le cas. Comme on dit l’enfer est pavé de bonnes intentions : si l’on sent que Deep Silver a mis sang et sueur dans la réalisation de ce jeu, ce n’est malgré tout pas assez et l’expérience laisse le goût amer d’un projet qui n’a pas été mené à bout, de raccourcis de développement, bref d’un jeu pas fini.

Si dans certains jeux les défauts sont gérables, peuvent être contournés, voire parfois mêmes exploités, ils sont ici un véritable handicap. Chacun voit midi à sa porte et tout le monde n’a pas la même patience, mais l’agacement et la rage s’installent vite ici et rendent l’expérience très laborieuse.

Deux mains gauches et que des pouces

Globalement le gameplay est très hasardeux, et l’on se retrouve confronté notamment à une IA quasiment absente. Le comportement des ennemis est parfois absurde, un soldat de l’APC va se diriger vers votre position et continuer à avancer alors qu’il est coincé face à un mur. Dans d’autres situations, on peut se tenir exactement en face d’un soldat sans qu’il réagisse.

Nous n’allons pas tous les répertorier, mais, de nombreux glitches viennent gâcher l’expérience de jeu : je me suis fait toucher à travers des murs et obstacles de nombreuses fois par des balles magiques qui traversent la matière. Si le monde est ouvert et la plupart des zones explorables, il n’est pas rare de rester coincé entre deux débris et de devoir sauter et bouger frénétiquement pour se libérer de la zone. En approchant de murs pour se mettre en position de couverture, on a parfois un aperçu de ce qu’il y a au-delà de la carte, c’est-à-dire un grand vide blanc. D’autres fois on parvient à voir à travers les décors, ce qui pourrait être un avantage stratégique, mais jette en fait le discrédit sur le jeu.

Mais s’il y a bien un bug qui rend fou, c’est celui des résistants. En effet vous pouvez recruter jusqu’à quatre résistants pour qu’ils vous accompagnent en renfort lors de vos pérégrinations. Ceux-ci, équipés de diverses armes vous suivront partout comme des petits chiens. Et le problème est bien là, bien souvent, lorsque vous vous retrouvez à explorer un cul-de-sac, ces PNJ vous empêchent d’en sortir ! Ils s’accumulent contre vous et essayent de vous suivre, créant un tas d’humains infranchissable. J’ai dû redémarrer au point de contrôle précédent quelques fois et j’ai plus généralement abandonné cet aspect du jeu assez rapidement.

Enfin, bug de chargement ou problème de gestion de ressources, la cerise sur le gâteau c’est le freeze (écran fixe avec impossibilité de faire quoi que ce soit) de quelques secondes après chaque menu, checkpoint, changement de zone, dialogue avec un PNJ… On pourrait s’y faire, mais on ne devrait pas, la fluidité en est massacrée et l’attente, même courte à répétition tape franchement sur les nerfs rapidement.

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Y a quelqu’un ? Y a personne ?

Le problème avec les mondes ouverts c’est qu’il faut les remplir. Et si le jeu propose un bon nombre de missions aux quatres coins de Philadelphie, que l’on soit en zone rouge ou jaune, dans les ruines ou en ville, les rues passent et se ressemblent. Ce pourrait être n’importe quelle ville du monde occidental et aucun des repères connus de Philly, la Liberty Bell, l’Hôtel de Ville ou encore Independence Hall ne semble être représenté.

La carte est donc très répétitive, les différents lieux à visiter sont de configuration similaire, comme les planques, et seuls quelques éléments de décors sont ordonnés différemment pour donner l’impression de diversité. L’un des inconvénients qui découlent de l’absence de repères est le fait que l’on s’égare régulièrement ou qu’on se perde complètement. L’accès à la carte complète via le téléphone mobile de votre personnage n’est pas d’une grande aide, hélas. Les marqueurs de missions qui apparaissent en permanence à l’écran sont très déroutants dans la mesure ou ils fonctionnent presque comme un GPS, mais ne prennent pas en compte les obstacles, ce qui rend la navigation très hasardeuse.

Ce qui aurait pu résoudre le souci d’échelle de la carte était l’excellente idée de mettre un peu partout des motos à disposition. Mais sur le terrain, la conduite de ses engins diaboliques s’avère relever de l’exploit. L’absence de maniabilité transforme l’expérience de la conduite en véritable chemin de croix, et je ne parle même pas de s’échapper d’une situation épineuse à moto…

Ce n’est qu’un début, continuons le combat

Certains aspects finissent d’achever l’expérience du jeu. L’histoire, qui de prime abord semble proposer un vaste panel de missions principales et secondaires, s’avère être en réalité un enchaînement d’actions très répétitives et téléphonées qui peut rapidement susciter un certain ennui. Le tout subit un gros handicap avec le moteur du jeu qui est très inégal, on ressent le besoin de vérifier que c’est bien un 4 et non un 3 après le PS de la console de test. Le réalisme du jeu en souffre et l’on sort du jeu régulièrement, l’immersion brisée, le plaisir en pâtit.

Les cutscenes du jeu annoncent la couleur dès le début du jeu, l’introduction est assez violente avec quelques exécutions sommaires. Hélas ce qui pourrait donner le ton d’un scénario captivant dissimule hélas une certaine indigence narrative. On ne réinvente pas l’eau chaude ici, à peine l’eau tiède.

Enfin, parlons quelques instants du mode coopération : le matchmaking est évidemment tributaire du nombre de joueurs disponible et il ne semble pas y avoir grand monde sur les serveurs. Le résultat est qu’il faut être patient pour obtenir une équipe complète. Ce mode propose une personnalisation de votre personnage, mais il faudra progresser pour débloquer de quoi le faire. Concrètement ces sessions en multijoueur vont opposer votre équipe à l’APC dans diverses configurations. Le mode coop n’est pas déplaisant, mais on en a vite fait le tour, il souffre évidemment des mêmes soucis que le reste du jeu.

Conclusion

Peu attendu du public, Homefront : The Revolution avait une réelle opportunité de se faire une place dans le genre sans pression. Souffrant d’une narration médiocre, d’une IA quasi inexistante et d’un moteur de jeu dépassé, le titre déçoit sur beaucoup d’aspects. De bonnes idées subsistent, comme le crafting très complet, une carte open world immense et de nombreuses missions. Mais il faut être très patient et pas très regardant pour apprécier l’expérience Homefront. C’est avec beaucoup de regret et une anticipation froidement douchée que votre serviteur vous déconseille l’acquisition de ce jeu.

Test de Homefront : The Revolution sur Playstation 4 — un mouvement tué dans l’œuf
"Malgré l’attente impatiente, la prédisposition très bon public, les heures à insister en se disant que la prochaine phase sera mieux, Homefront : The Revolution me laisse un goût amer et métallique dans la bouche, comme un coup de crosse de l’oppresseur qui met fin à la révolution. Rien n’est vraiment suffisant pour en faire un véritable jeu AAA, et session après session, on commence à questionner tout ce qui nous entoure. La légitimité du titre de Deep Silver est discutable dans la mesure où l’expérience passée de la franchise aurait dû faire office d’avertissement. Face à ce jeu, le joueur indifférent le restera probablement, le joueur impatient sera fort déçu, et le détracteur confirmé dans ses idées. "
3.5
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Charlie Houlmont
Cinéaste et infographiste de formation, adorateur de DC Comics, tolkiéniste compulsif. Geek multi facettes, musicien, compositeur, gamer, illustrateur et technophile. Bon public et éternel gamin