Comiccon Montréal 2012 – L’immersion narrative dans Mass Effect 3: Les ingrédients de la recette Bioware

Bioware-panelistes-comiccon-montrealLors du Comiccon 2012, deux développeurs montréalais en ont profité pour prendre un petit bain de foule et prendre le pouls de leurs fans. Comme pour Ubisoft Montréal (La conférence Ubisoft : Assassin’s Creed et son univers transmédia), certains employés de Bioware (soit Dean Andersen, Fabrice Condominas, Joel Macmillan, Éric Chartrand, Ken Thain et Alex Elsayad) sont venus parler de ce qui constitue, en fait, une des principales forces de leur studio, et tout particulièrement du dernier Mass Effect – l’immersion narrative.

Comment font-ils pour captiver ainsi l’intérêt des joueurs pendant plusieurs dizaines d’heures, à faire en sorte que ceux-ci en viennent à voir le commandant Shepard non pas comme un simple pantin massacreur de Reapers mais une forme d’extension d’eux-mêmes, appellée à prendre une panoplie de choix aussi exaltants et moralement déchirants les uns que les autres?

L’importance capitale de l’appropriation émotionnelle:

Afin d’obtenir une résonance émotionnelle dans un jeu, il est essentiel que les joueurs en viennent à développer un certain attachement envers les personnages et le monde dans lequel ils évoluent. Le monde ambiant doit être assez riche et complexe pour pouvoir appeler à une réponse affective, de l’empathie, de la sympathie mais aussi à une quête de sens. Les dialogues constituent évidemment l’élément par excellence pour développer de telles formes d’attachement bien que l’environnement, l’ambiance, voire même le silence contemplatif savamment assaisonné ne soient pas non plus à négliger (par exemple, la visite des catacombes sur Tuchanka dans Mass Effect 3).

Une belle preuve de l'appropriation émotionnelle: le cosplay! (pour ce qui est de Tali - on l'imaginait un peu moins barbue sous le casque!)
<noscript><img decoding=async class= wp image 3355 alt=Une belle preuve de lappropriation émotionnelle le cosplay pour ce qui est de Tali on limaginait un peu moins barbue sous le casque src=httpswwwgeeksandcomcomwp contentuploads201209cosplayer mass effect comicconmontrealjpg width=300 ><noscript><a> Une belle preuve de lappropriation émotionnelle le cosplay pour ce qui est de Tali on limaginait un peu moins barbue sous le casque

Aussi, bien que le jeu vidéo est un médium obéissant à certaines règles qui lui sont propres, il est important de considérer la question de la synchronisation des évènements. Les panélistes étaient unanimes sur la question: certains segments doivent axés spécifiquement sur les combats, et d’autres à la discussion. Il est rarement une bonne idée de mélanger les deux. Bien qu’ils soient conscients que le combat soit crucial au succès de Mass Effect 3, les séquences de combats prolongées se prêtent bien mal à l’approfondissement de liens affectifs à l’endroit des autres personnages. La narration est, selon eux, autant un art qu’une technique, tout est question de timing et de dosage, et l’émotion prime par dessus tout.

Le summum du storytelling – Transcender le bouton « power »

Selon les développeurs, le commandant Shepard est, en quelque sorte, un canevas. Masculin ou féminin, « paragon » ou « renegade », hétérosexuel ou homosexuel, l’équipe a déployé énormément d’efforts pour faire en sorte que son identité, son origine et son évolution ne soit pas figée. Le joueur devait pouvoir le modeler à sa guise. D’ailleurs, c’est désormais confirmé, l’âge moyen du joueur de Mass Effect serait de 35 ans (!).

Les développeurs ont mentionné que, bien souvent, certains joueurs exprimaient leur déception face à la mort de personnages, puisque de toute évidence ils avaient toujours faits les bons choix. Or, le jeu, disaient les panélistes, est construit pour qu’il n’y ait justement pas de choix optimal, ou de chemin parfait. Bien que les options « paragon » et « renegade » puissent nous en donner l’impression. Le fait que, justement, il n’y a pas d’approche qui soit nécessairement meilleure qu’une autre permet aux joueurs d’expérimenter avec des problèmes et des questions qui vont, à leur tour, renforcer encore plus leur enracinement dans l’environnement que Bioware a créé pour eux.

Bioware-comiccon-montrealLa distance fournie par l’avatar-Shepard permet aussi au joueur d’expérimenter en toute sécurité, de voir quelles pourraient être les répercussions d’un génocide sans devoir pour autant comparaître devant un tribunal pour crimes contre l’humanité, ou d’adopter, l’espace d’un jeu, la perspective de quelqu’un ayant une orientation sexuelle différente de la sienne. L’idéal, selon eux, est de trouver, comme dans certains films ou certains romans, une manière de transcender de bouton « power ». Un des panélistes évoquait à ce titre à quel point le visionnement du film Blood Diamond l’avait profondément marqué, autant politiquement que moralement, et espérait que certains joueurs aient pu ressentir la même chose face à certains événements marquants de la série Mass Effect.

Développer un mode multijoueur qui entre en complémentarité avec l’expérience solo

Mass Effect 3 fut le premier de la série à avoir un mode multijoueur en ligne. Principalement développé dans les studios de Montréal, les gens de Bioware semblaient plus que satisfaits de la réception. Ils avouent toutefois avoir expérimenté avec plusieurs approches avant d’en arriver au mode « Galaxy at war » (qui comprend aussi une intégration avec le jeu mobile Mass Effect: Infiltrator ainsi qu’une campagne Facebook qui fut de relativement courte durée) et, selon eux, les multiples itérations en ont bien valu la peine.

Ils déplorent le fait que, bien souvent, le mode multijoueur relève plus souvent d’une formule que d’un véritable effort de réflexion. On place huit à dix joueurs dans un entrepôt désaffecté, on dissémine des armes et des munitions un peu partout et, voilà, un mode multijoueur est né! Le mode « Galaxy at War », lui, était vu comme venant nécessairement complémenter le jeu solo en mêlant un mode multijoueur, un jeu, ainsi qu’une application mobile. Le mode « Galaxy at War » s’inscrit donc en complémentarité avec les péripéties de Shepard et sa bande, et vient simuler une escarmouche dans un conflit qui, on le voit bien dans le mode solo, mobilise la galaxie au grand complet. L’idée des « war assets » vient renforcer cette association. La victoire en mode multijoueur vient indirectement aider l’effort de guerre.

Image issue d'un prochain DLC (Oméga?)
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Les développeurs ont aussi insisté sur le fait que, malgré son côté résolument solitaire, Mass Effect est aussi extrèmement social, c’est une expérience que l’on vit principalement en solo, mais que l’on veut bien souvent conter à nos amis, discuter sur des forums sur Internet, ou vivre à travers des rassemblement comme le Comiccon de Montréal. Pour un des développeurs, le mode multijoueur est un peu comme un bar, une expérience auxiliaire, complémentaire au mode classique qui permet au joueur de partager son expérience avec des amis.

La critique blesse parfois, mais l’indifférence est encore pire

Lors de la séance de questions, un fan a, évidemment, posé la question qui était sur toutes les lèvres : comment avez-vous réagi face aux critiques sur la fin de Mass Effect 3? Pour les panélistes de Bioware, les semaines qui ont suivi la sortie du jeu étaient de véritables montagnes russes émotionnelles. Bien que la déception par rapport à la séquence de fin en ait attristé plusieurs, les plus vives critiques venaient souvent de joueurs qui avaient littéralement dévoré le jeu. Les panélistes constatent que la serie Mass Effect a atteint un statut tel dans la culture populaire que les gens aiment désormais en parler et en débattre. S’il n’y avait pas de passion, les gens auraient simplement fermé leur machine, mis leur manettes ou leur clavier par terre, poussé un simple soupir empreint de déception, et seraient passés à autre chose – et cela aurait fait beaucoup plus mal.

NB : Il a été annoncé hier que les deux co-fondateurs de Bioware, Ray Muzyka and Greg Zeschuk, quittent l’entreprise. Un coup dur pour le développeur qui, depuis la sortie de Dragon Age 2, est fortement critiqué pour avoir perdu la recette magique des premiers jeux. Cependant, le directeur général de Bioware à Edmonton et Montréal (Aaryn Flynn) se veut rassurant. De nombreux projets sont en route dont (Dragon age 3: inquisition, un nouveau jeu dans l’univers Mass Effect, ainsi qu’un jeu totalement original (nouvel IP).

Pour aller plus loin : Article de blogue de Ray Muzika. // Article de Greg Zeschuk. // Article de Aaryn Flynn (disponible aussi en français)

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Olivier Dagenais

Étudiant en sciences politiques et chercheur au Centre d'études internationales et de mondialisation à l'UQÀM, je m'intéresse tout particulièrement aux questions de gouvernance Internet et d'économie des réseaux.

Gamer invétéré et membre en règle de la "PC Master Race", écrire pour Geeks and com' me permet de me dégourdir la plume un peu!