Critique de Le Nom du Vent écrit par Patrick Rothfuss

D’un point de vue littéraire, cette série est surtout remarquable pour le travail qu’a fait l’auteur sur la narration et la structure de son œuvre. Il serait faux de croire que l’organisation du récit est originale : on utilise la même technique de la mise en abîme que celle employée par Scheherazade dans les contes des « Mille et une nuits ». Autrement dit, il y a deux plans : au niveau du macrocosme, un aubergiste nommé Kote, du village de Newarre, raconte sa vie en trois jours et chacune de ces journées correspond à un tome de la série. Puis, du côté du microcosme, nous avons les récits du héros et ces péripéties se déroulent donc à un temps passé par rapport à l’histoire. De plus, et c’est bien là une des clés de la puissance de l’œuvre, les livres de cette série sont écrits à la première personne.

Fiche Technique

Auteur : Patrick Rothfuss
Titre : Le nom du vent
Tome # : 1
Série : Chronique du tueur de roi
Année de publication : 2009
Genres : Fantastique 
Maison d’édition : Bragelone (version française)
Langues: Français, Anglais, autres

Scénario

Vous l’aurez deviné, Kvothe n’est pas qu’un simple aubergiste. Au fil de ses aventures, il se fait connaître à travers le monde sous divers noms : Kvothe le régicide, Kvothe le sans sang, Kote l’aubergiste, Reshi, etc. D’ailleurs, l’œuvre insiste sur le fait que le héros ait créé sa légende à force de volonté; pour plusieurs aspects, l’œuvre est aussi un récit de survie, la quête de sens d’un héros dans son monde. Comme ses parents étaient tous deux des « troupeurs », Kvothe a reçu une formation de barde dans son enfance. Il connaît tous les rôles des pièces de théâtre de son univers, peut escalader des toits avec ses talents d’acrobate et joue du luth comme personne. À maintes reprises, son flair créatif lui viendra en aide pour le tirer d’affaire ou pour qu’il obtienne les bonnes grâces d’un autre personnage. Troupe d’artistes ambulante, la famille de Kvothe accepte que Ben, un ancien universitaire, fasse route commune avec eux pour un temps, quitte à ce qu’il initie le jeune héros aux différentes facettes de la magie.

Leur amitié développera une ambition de Kvothe : rejoindre l’Université pour devenir érudit… et fort! Par contre, cette Université a des mœurs beaucoup moins douces qu’un banal collège pour sorciers. Kvothe s’y rendra, après que ses parents et sa troupe soient assassinés par des hommes mystérieux et maléfiques : les Chandrians. Orphelin, Kvothe passera son adolescence comme mendiant et voleur dans la grande ville de Tarbean. Les voyous, la pauvreté et la cruauté feront partie de son quotidien avant qu’il ne soit admis à l’Université pour un premier semestre. Ainsi, l’échiquier est placé pour une classique quête de pouvoir, de vengeance et de rédemption par la violence.

Les deux temps du récit

Évidemment, il faut se rappeler que, au temps présent du récit, Kvothe se fait passer pour Kote, un aubergiste qui raconte sa vie à Chronicler, un journaliste célèbre pour ses biographies de personnes illustres. Dans cette taverne de Newarre, des villageois s’échangent parfois des histoires autour d’un bon repas et, d’autres fois, un héros contemple sa lame, accrochée au mur, et le silence envahit l’auberge alors que Bast, l’apprenti de Kvothe, se débat pour le sortir de sa torpeur. Quel est ce chagrin qui terrasse le légendaire Kvothe, ce coffre verrouillé à triple tour qu’il garde dans ses quartiers et, surtout, qu’en est-il des Chandrians?

Système de magie

Il y a plusieurs branches dans le système de magie innovateur de cette série. L’école la plus puissante et destructrice est, de loin, la connaissance des noms. Par chance, pour saisir le nom du vent, vous devez connaître toutes les formes et les caprices de la matière en question (que ce soit le vent, le feu, la roche, etc) et cela n’est pas donné à tous. La connaissance des noms a ses travers initiatiques et ses dangers; à l’Université, il n’y a que Maître Élodin qui en possède les rouages. Ce dernier semble être un fabulateur fêlé pour la majorité des étudiants et des enseignants : il se parle à lui-même, tient des discours absurdes et apparaît à des endroits impossibles. Ceux qui choisissent de persister dans la connaissance des noms doivent d’abord obtenir la faveur de ce lunatique et, par la suite, prendre garde à ne pas devenir fou comme lui.

La base du système de magie se nomme ici la sympathie; elle s’apparente en partie au vaudou. Pour blesser quelqu’un, par exemple, il vous suffit de construire un petit pantin de cire avec une mèche de cheveux de votre victime. Puis, si vous murmurez la bonne incantation, un lien est établit entre deux objets (ou personnes) et les effets se répercutent d’une entité à l’autre ou du pantin de cire au personnage réel. Les liens sympathiques les plus forts se font avec le sang et votre talent d’arcaniste se mesure au nombre de liens sympathiques que vous pouvez soutenir d’un seul coup : cela demande concentration, volonté et agilité mentale. Il est aussi possible de transférer la chaleur de son propre corps. Par exemple, cela peut être utilisé pour faire bouillir le sang de quelqu’un ou pour allumer une chandelle lorsqu’il n’y a pas d’autre source de chaleur à proximité. Par contre, si vous contrôlez mal ce pouvoir, vous pouvez facilement mourir d’hypothermie. Enfin, la sygaldrie est une discipline qui fusionne la mécanique et l’enchantement. Kvothe se rendra souvent aux forges de Maître Kilvin pour y construire divers objets. Tout comme dans la série « Le Cycle des Démons », il y a une myriade de symboles octroyant des pouvoirs magiques que vous pouvez graver sur vos créations.

Conclusion

Cette série est à ne pas manquer; elle élève nettement le standard littéraire moderne pour le genre fantastique. Le fait que la narration soit à la première personne donne une dynamique très originale et captivante à l’œuvre : il est plus facile d’entrer dans cet univers et de s’identifier aux personnages. Je concède que l’idée d’une université pour magiciens aie déjà été exploitée. Cependant, les études sont ici beaucoup plus ardues et périlleuses qu’à Poudlard et les systèmes de magie de ces deux mondes respectifs n’ont rien en commun. Kvothe est un personnage qui n’a rien à perdre, mis à part sa romance tumultueuse avec la belle Denna. « Le nom du vent » saura vous faire voyager : que ce soit dans la demeure d’un roi, dans les ghettos d’une mégapole hostile, dans les labyrinthes mystérieux de l’Université ou dans le monde des fées, Kvothe semble dompter toutes les situations avec ses nombreux talents. L’œuvre de Rothfuss est moderne, savoureuse et non achevée; le troisième tome de cette série est attendu avec impatience.

Critique de Le Nom du Vent écrit par Patrick Rothfuss
"Cette oeuvre est à ne pas manquer si vous tenez à être à jour en matière de littérature fantastique. La narration à la première personne et les deux temps du récit donnent une dynamique très originale à cette histoire. Le système de magie est suffisament innovateur et développé pour rendre l'univers crédible. Kvothe, le personnage principal, est un étudiant à l'Université. Il veut devenir un arcaniste afin de détruire les Chandrians, des êtres mythiques et puissants qui ont décimé sa famille de bardes. Sa jeunesse difficile lui donne une formation d'acteur, de musicien, de voleur et de survivant. Kvothe bâtira lui-même sa légende à force de courage et de volonté. Au temps présent du récit, cependant, Kote l'aubergiste est un personnage presque sombre et mélancolique... pourquoi? Que contient ce coffre verrouillé à triple tour dans sa chambre et qu'en est-il des Chandrians?"
9.5
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