GameStop, préoccupé par l’érosion des prix du contenu numérique vidéoludique

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Le positionnement de GameStop

Le prix des jeux numériques, sous-entendu les jeux qui ne sont pas sur support physique, est en baisse. Et pour le président de GameStop, Tony Bartel, la tendance est inquiétante non seulement pour son entreprise, mais aussi pour l’industrie dans son ensemble. Dans une conférence le mois dernier, T. Bartel a partagé quelques remarques récentes d’une enquête effectuée, à l’occasion de l’annonce des bénéfices de la firme. Les joueurs attendraient maintenant une chute de prix importante, pour acheter un jeu complet récent, proposé en numérique. Nous parlons d’ici d’une baisse d’environ 25 $ par jeu.

Le fait d’ajouter aussi un code de copie numérique dans les différents bundles consoles aurait eu un impact sur cette tendance et Bartel estime que les joueurs ont reçu pour une valeur de 100 millions de dollars de jeux téléchargeables « gratuits ».

Sa volonté est simple:

Nous voulons faire en sorte que notre industrie ne fasse pas la même erreur que d’autres catégories de divertissement, en laissant la valeur perçue des produits numériques sensiblement inférieurs à celui d’un jeu physique. Quand les programmes de distribution de versions numériques gratuites prendront fin, nous croyons que l’ensemble de l’industrie aura besoin de travailler pour continuer à négocier des prix d’une manière qui soutient et encourage la rentabilité et la grande innovation dont cette industrie a besoin.

Lors de l’examen des obstacles que les jeux numériques doivent encore surmonter, T. Bartel a ainsi indiqué que les joueurs attendent cette fameuse baisse de prix à 20$/25$ quand ils achètent en numérique car ils sont dans l’incapacité de revendre leurs versions dans des boutiques comme GameStop. La firme a déjà exprimé son souhait de travailler avec les éditeurs pour créer un marché de l’occasion pour les jeux téléchargés, mais lorsque la presse lui a demandé une mise à jour à ce sujet, le PDG de GameStop, Paul J. Raines, s’est limité à un simple: «pas de commentaire, top secret.« 

uplay origin steam

La dématérialisation est-elle un danger pour le jeu vidéo?

Le marché numérique actuel est-il aussi dangereux pour l’industrie vidéoludique que le prétend le président de GameStop? Commençons déjà par regarder les prix proposés sur chacun des supports disponibles. En regardant le PC, il est clair qu’une baisse de prix drastique est visible. Quel que soit le distributeur, nous pouvons constater que le coût d’achat pour un joueur est bien moindre en version numérique.

Il y a plusieurs raisons à cela: d’une part, le piratage des jeux PC est très important. Il faut donc pouvoir réussir à attirer des acheteurs potentiels, pour éviter qu’ils ne prennent la solution de facilité: récupérer le jeu gratuitement et illégalement. À cela s’ajoute un autre point: il existe une multitude de magasins en ligne vendant exactement les mêmes jeux: Steam, GoG, Origin, Uplay, sans compter tous les autres sites vendant des clés pour ces magasins en ligne. La concurrence est importante et il faut réussir à se démarquer parmi tous ces choix. Enfin la diversité importante des titres présents sur PC pousse à ne pas garder un prix fixe sur une longue durée. Contrairement aux consoles, plutôt avides de nouveautés, les PCistes sont capables de rester très longtemps sur un seul jeu, et peuvent ne pas acheter autre chose pendant cette période.

Il faut aussi noter que Steam a une politique très agressive en ce qui concerne son catalogue. Chaque semaine, il y a de grosses promotions sur deux à trois jeux différents, et sur les grandes périodes de vacances, énormément de jeux ont droit à des prix sacrifiés, que ce soit de l’indépendant ou du gros AAA. Tout cela, ainsi que la centralisation et la rapidité d’accès à leur contenu, favorise une visibilité massive, des achats compulsifs, et des portefeuilles de plus en plus vides. C’est peut-être sur ce point que l’analyse de T. Bartel est la plus pertinente, car la plus visible. Ce ne sont pas les seules causes bien évidemment, mais ce sont à n’en point douter les plus marquantes. Cela explique cette baisse drastique et rapide des prix, quelques fois même lors des précommandes et atteignant parfois la moitié du prix du jeu en version physique.

PSN XBOX LIVE

Il est malheureusement impossible de faire ce même constat sur console à l’heure actuelle, malgré une émergence assez récente de sites comme Instant Gaming, Kinguin ou GK4. Il n’existe pas cette pluralité de choix, le monopole appartenant au constructeur. Il est donc logique pour Sony ou Microsoft de vendre les jeux disponibles sur leurs magasins en ligne au prix maximal conseillé, ne souffrant d’aucun impact économique.

Le piratage n’est pas ou peu présent, et l’utilisation de jeux piratés s’accompagne souvent de limites, avec la suppression de l’accès au LIVE par exemple si une console est considérée comme hackée ou utilisant des oeuvres pirates. Et contrairement au PC, il n’existe pas de solution de contournement, ou alors pas facile à mettre en place pour un utilisateur lambda.

Rappelons que les joueurs consoles sont friands de nouveautés, il est donc intéressant pour tout le monde, sauf ces derniers, de garder un prix relativement haut, le plus longtemps possible. D’où des baisses de prix, à des moments clés uniquement, sur ce genre de magasin en ligne. Mais globalement, hormis en physique dans le domaine de l’occasion, ou si la qualité du jeu est discutable, il est rare de voir une oeuvre baisser de prix rapidement. Pour remédier à cela, certaines grandes distributions vendent un jeu sur CD moins cher lors des précommandes ou d’un achat dans la semaine de sortie uniquement. En fonction du nombre d’exemplaires qu’ils peuvent se permettre d’exposer dans leurs rayons, ils peuvent ainsi revoir leurs marges sur ce genre de produit.

CD

Deux modes de distribution aux marges différentes

On observe alors deux tendances qui s’opposent, l’une qui part dans une idéologie tout numérique, le système économique actuel du joueur PC, et celle qui se focalise encore sur une bibliothèque remplie chez soi, la stratégie console. Car si le support physique possède quelques raisons d’avoir un prix élevé (coût du support, coût de duplication, garantie à la casse et au dysfonctionnement du support, frais d’envoi, etc.), on ne peut pas dire la même chose d’une copie numérique. En effet, il n’existe aucun support sur lequel est transposé l’oeuvre, pourtant cette marge est bien comprise dans l’achat que l’on effectue sur un store internet. On pourra bien argumenter qu’elle ne sert qu’à l’entretien des serveurs, ce qui en soi est une bonne raison, mais n’explique en rien que les autres points aussi soient compris dans l’acte de paiement. Faire une copie d’une oeuvre numérique ne coûte rien et il n’existe aussi aucuns frais d’envoi si on se limite au téléchargement. Il n’y a donc aucun coût de garantie non plus.

Bref, vous l’aurez compris, vendre un jeu numérique au même prix qu’un jeu physique, c’est simplement augmenter la marge que l’éditeur ou le constructeur obtient sur le produit final. Si l’on pourrait comprendre cette situation dans le cadre d’un petit studio luttant financièrement, c’est plus difficile à comprendre pour des ténors de l’industrie tels que Electronic Arts ou Activision.

digital

La Xbox One, solution miracle?

Lors de l’annonce de la Xbox One, plusieurs rumeurs faisaient état d’une console entièrement connectée, sans lecteur optique pour lire les disques. Plutôt que d’expliquer entièrement tous le processus, je vous laisse regarder la vidéo ci-dessous qui explique le tout. Ce qui faut savoir par contre, c’est que cette fameuse promesse ressemblait en grande partie à ce que propose actuellement Valve avec ses Steam Machines. Le catalogue virtuel de la One fonctionnait, dans l’idée, de la même façon que Steam le propose sur PC à l’heure actuelle.

Est-ce que cette avancé aurait pu changer l’industrie que nous connaissons? c’est fort probable. Malheureusement ce n’est pas avec cette génération de consoles qu’on le découvrira. Mais qui sait, peut-être avec la prochaine, puisque Sony envisage une éventuelle PlayStation 5 entièrement dans le Cloud, se basant par ailleurs sur son prochain système de jeu en ligne PlayStation Now. Et pour tout dire, nous sommes tous plus ou moins curieux de voir ce que proposera la compagnie avec ce service.

Une industrie menacée?

A priori, l’industrie vidéoludique va bien. Les acheteurs sont toujours là, et il y aura toujours de l’argent exploitable par les compagnies actuelles. Notez que ce n’est qu’une réflexion personnelle et en superficie de la chose. N’ayant pas la science infuse, il y aura sûrement des caractéristiques auxquelles je n’ai pas pensé au moment de l’écriture de cet article qui ont eu une incidence. Tout ceci n’est qu’une invitation à débat.

De plus, il existe une multitude de paramètres beaucoup trop complexes et longs pour être abordés ici, tel que les coûts de localisation, les taxes propres à chaque pays, ou l’investissement potentiel dans un produit vidéoludique. Il serait aussi intéressant de comparer plus en amont la vente de produits numériques, et celles des versions dites « collectors ». Néanmoins, force est de constater que malgré un sérieux évident, l’analyse de T. Bartel est juste, mais ne se fait que dans un cadre limité, et qui le touche personnellement. Il est donc important de remettre en cause toute l’industrie du jeu, pour mettre les choses à plat et se rappeler que le Jeu Vidéo est encore jeune, qu’il fait des erreurs, comme ce fut le cas avec le cinéma ou la littérature. À nous de préserver la pérennité de ce média pour qu’il grandisse et s’épanouisse, aux bénéfices de tous.

De votre côté qu’en pensez-vous? Le marché numérique actuel est-il dangereux pour l’industrie vidéoludique? N’hésitez pas à partager vos avis en commentaire.

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Thomas Jeronimo
Rédacteur en Chef de la section Jeu Vidéo, administrateur d'une association sur la thématique du Jeu, et grand aficionado du domaine numérique. Passionné de Cinéma, de musique, de dessin, de jeu, de littérature, de NBA, et de la vie en général.